En 2024, le décès du docteur Wang Wanqing a suscité une vive émotion parmi les habitants de la prairie de Maqu. Bien qu'il ait laissé un testament préconisant une cérémonie funèbre simple, sans ostentation, des foules se sont spontanément réunies pour lui rendre hommage. Le temps n'effacera pas les souvenirs, le peuple n'oubliera pas ce médecin qui a parcouru toute la prairie de Maqu durant sa vie, le respect et la nostalgie que les foules lui vouent sont profonds. Qui était donc vraiment Wang Wanqing ?
(IV) Il avait aussi quatre dernières volontés
Wang Wanqing avait quatre dernières volontés.
Première volonté : que faire de sa dépouille après son décès ?
Bien longtemps auparavant, Wang Wanqing avait cousu un sac en tissu pour lui-même, il avait demandé que son corps soit placé dans ce sac après son décès, enterré dans la cour, puis, deux à trois ans plus tard, exhumé pour que son squelette soit transformé en spécimen et offert à l'hôpital pour servir de support aux enseignements.
Cette idée avait profondément surpris son fils Wang Tuansheng. Non seulement elle ne correspondait pas aux traditions chinoise et tibétaine, mais elle était également difficile à accepter pour son fils. Il tenta de convaincre son père : « Aujourd'hui, il est facile d'obtenir des spécimens de squelettes, cela ne vaut pas la peine de tant se compliquer la vie. » Wang Wanqing répondit : « Alors incinérez-moi, et dispersez mes cendres sur les prairies de Maqu. » Il ajouta : « J'ai vécu toute ma vie à Maqu, je veux aussi y reposer après ma mort. »
Deuxième volonté : laisser ses économies à son épouse après sa disparition. Il avait insisté auprès de ses enfants : il fallait absolument qu'ils prennent soin de leur mère.
L'histoire de Wang Wanqing et de sa femme mérite qu'on s'y attarde à nouveau. Son épouse, Kelao, était une Tibétaine originaire de Maqu, ils s'étaient rencontrés lors d'une session de formation pour « médecins aux pieds nus ». Wang Wanqing donnait les cours, et Kelao servait d'interprète. Peu à peu, ils tombèrent amoureux et se marièrent, travaillant ensemble à secourir et soigner les diverses ethnies vivant sur la prairie de Maqu.
Dans les années difficiles, Kelao a toujours accompagné Wang Wanqing face aux épreuves. Après la naissance de leurs enfants, elle s'en est occupé avec attention, au travail elle devait les porter dans ses bras ou sur son dos, ce qui a été très fatigant ; quand ils étaient entourés de dogues tibétains lors de visites médicales, elle encourageait son mari à s'extirper de ce barrage périlleux en brandissant son couteau traditionnel pour faire fuir les chiens déchaînés ; Wang Wanqing était si occupé au travail qu'il n'en voyait jamais le bout, comme tout un chacun se demanderait : est-ce une vie harassante ? Kelao, elle, comprenait son mari et travaillait silencieusement avec lui pour faire tout ce qu'un médecin de terrain des prairies devrait faire.
Wang Wanqing disait que sans Kelao, il n'aurait peut-être pas survécu, et n'aurait pas pu vivre et travailler aussi bien.
Kelao, de son côté, admirait la bonté de Wang Wanqing. Elle lui avait dit un jour : « Même si tu perds ton emploi et ton salaire, viens dans notre équipe de production, nous prendrons soin de toi. »
Ensemble, Wang Wanqing et Kelao se sont dépensés sans compter et ont traversé d'innombrables épreuves.
Lors d'une consultation médicale après une chute de neige, Kelao craignit que Wang Wanqing, « un homme de grande taille et myope, n'évalue pas bien les terrains accidentés et ne tombe la tête la première », alors elle lui a demandé de rester au Centre de santé et a décidé de se rendre seule au lieu de la consultation. En chemin, Kelao trébucha accidentellement, elle s'accrocha fermement à la trousse médicale sans vouloir la lâcher, heurta une pierre et se fractura la clavicule gauche. Supportant la douleur, elle insista pour que, « quoi qu'il arrive, cela ne doit pas affecter le travail », si bien que sa fracture se ressouda d'une façon déformée. Wang Wanqing en éprouva une profonde culpabilité, mais Kelao resta sereine, sans jamais exprimer de regret ni de rancœur.
Un jour de l'année 1976, après avoir terminé leur travail, Wang Wanqing et son épouse rentrèrent à leur dortoir et constatèrent qu'un enfant avait disparu. Afin d'éviter qu'il ne coure partout, ils avaient pourtant attaché leur troisième enfant à son lit avant de sortir. Ils appelèrent sans obtenir de réponse et, en cherchant partout, découvrirent que l'enfant était suspendu tête en bas dans l'étroit espace entre le lit et une table, sans bouger ni répondre. Heureusement, l'enfant n'était que profondément endormi. Wang Wanqing n'oublia jamais le cri déchirant poussé par son épouse ce jour-là.
En 1983, Wang Wanqing partit dans une équipe de production pour effectuer un dépistage de la brucellose et administrer des vaccins. La nuit, sous une température de -30 ou -40°C, il campa dans une tente très légère, souffrant de diarrhée, il ne pouvait boire qu'un peu d'eau sucrée chaque jour, mais il continua son travail malgré la maladie, lors de son retour, il était si faible qu'il pouvait à peine monter à cheval. Arrivé au Centre de santé, dans le vague, il sentit sa femme s'approcher et la vit en larmes. Plus tard, Kelao lui demanda : « Si tu ne tiens pas à ta vie, que deviendrons-nous, les enfants et moi ? »
Avec le recul, Wang Wanqing ressentit qu'il avait une immense dette envers son épouse.
Troisième volonté : que faire de ses livres et de ses notes.
De son vivant, Wang Wanqing s'inquiétait de l'avenir de ses précieux livres et notes accumulés au fil des années. Il souhaitait qu'un de ses descendants poursuive des études de médecine afin de conserver ces documents. Il dit à son fils Wang Tuansheng : « Toi qui représentes ta génération, il est de ta responsabilité de conserver précieusement ces livres et ces notes, si plus tard, aucun descendant ne s'engage dans le domaine médical, alors tout finira à la benne. »
Bien qu'il ait été sévère avec son fils Wang Tuansheng, dans ses souvenirs, Wang Wanqing écrivit à son sujet : « Il est chef du service de radiologie, possède de bonnes bases en chirurgie, réfléchit bien, et est souvent de bon conseil... Nous faisons face ensemble à des situations critiques. » À travers ces lignes, il était difficile de dissimuler la fierté et la satisfaction qu'il éprouvait.
Plus tard, le deuxième fils de Wang Tuansheng choisit la médecine clinique comme spécialité, et retourna travailler à la préfecture de Gannan après l'obtention de son diplôme. Wang Wanqing fut fou de joie, il déclara que ses documents allaient être mis à profit et qu'au moins, jusqu'à la génération de son petit-fils, ils ne seraient pas perdus.
Wang Wanqing considérait ces livres et ces notes comme sa vie.
Quatrième volonté : Wang Wanqing espérait que ses descendants contribuent autant que possible à l'unité des ethnies.
À son arrivée à Maqu, Wang Wanqing semblait complètement dépaysé : les transports n'étaient pas pratiques, et pour se rendre en visite médicale, il fallait monter à cheval, ce qu'il ne savait pas faire ; les habitudes alimentaires étaient différentes, il était rare de voir du riz ou de la farine blanche ; la barrière de la langue était grande, car la plupart des habitants parlaient uniquement le tibétain et ne comprenaient pas le chinois, tandis que Wang Wanqing s'exprimait dans un mandarin fortement teinté d'accent shanghaïen, difficilement compréhensible même pour les cadres locaux originaires de l'ethnie han. Pourtant, rien de tout cela ne le découragea : très vite, ce jeune diplômé venu de Shanghai apprit à monter à cheval, à parler les rudiments du tibétain, et, dans les tentes des bergers, il pouvait manger de grandes bouchées de tsampa et boire du thé au beurre de yak.
Wang Tuansheng se souvient que lorsqu'il était à l'école, son père l'envoyait dans les équipes de production durant ses vacances d'été et d'hiver, pour vivre et travailler avec les bergers et les habitants. Il lui disait souvent : « Ta mère est tibétaine, tu es un enfant de Maqu, tu es un Tibétain de souche, il faut te fondre parmi la population locale, connaître leurs habitudes de vie et bien comprendre tous les aspects de leur quotidien. »
Wang Wanqing disait que l'unité des ethnies ne se mesure pas à ce que l'on dit, mais à ce que l'on fait. En tant que médecin de l'ethnie han, il s'était rendu dans une région peuplée de minorités ethniques pour sauver des vies et soulager les souffrances des diverses communautés ethniques de la prairie de Maqu, apporter son aide aux malades et aux habitants, c'était, pour lui, l'incarnation de la solidarité ethnique. Wang Wanqing espérait que ses descendants feraient de bonnes études, deviendraient des personnes utiles à la société et seraient de véritables ponts reliant les différentes communautés ethniques.
Wang Wanqing s'est éteint le 14 octobre 2024.
Son âme est retournée à Maqu, au son étouffé des sabots de chevaux.
Les récits que nous avons entendus et constatés sur Wang Wanqing arrivent ici quasiment à leur terme. De son vivant, il aimait beaucoup les médias, il disait que sa vie accomplie était indissociable de la bonne époque, des bonnes politiques et des bons dirigeants, mais aussi des bons médias. Il était conscient que de nombreux héros restaient dans l'ombre, et considérait que sa propre médiatisation était une chance. Toutefois, il ajoutait que le titre de « menpa de la prairie » n'était pas seulement lui, car beaucoup d'autres ont travaillé leur existence entière dans la prairie et donné encore plus que lui. Il estimait que la nouvelle ère devait mettre en lumière de nouveaux modèles, et qu'il fallait les faire émerger.
Mais les pionniers ne ternissent pas l'éclat des générations future, et la prairie n'oubliera jamais ces héros qui y ont versé leur sang, leurs larmes et leur sueur. Dans le comté de Maqu, sur cette vaste terre du premier méandre du fleuve Jaune, l'herbe reste éternellement verte.
Rendons-leur un hommage bien mérité !
À l'approche de ses soixante-dix ans, Wang Wanqing se souvenait encore d'une chanson populaire russe : « Lorsque nous pensons à nos jeunes années, les mélodies de l'époque résonnent à nouveau. » Toute sa vie, il a soufflé au gré des brises printanières, écouté les chants des insectes en été, traversé les prairies dorées de l'automne, franchi les montagnes enneigées de l'hiver. Durant ses années de retraite, il lui arrivait, lors de certains après-midis, de s'asseoir nonchalamment sur un banc dans la cour pour se prélasser au soleil, et à ces moments-là, il se rappelait sans doute ses moments de bonheur.
Dans la prairie de Maqu, sur le plateau Qinghai-Xizang, sur la vaste terre de notre patrie, qu'il s'agisse du passé, du présent ou du futur, il y a d'innombrables Wang Wanqing, qui persistent, luttent, se succèdent sans relâche, sans regret ni lamentation. Ils sont l'épine dorsale de la nation chinoise, ce sont nos héros les plus dignes de respect.
(Rédactrice : Lucie ZHOU)