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Les herbes verdissent durablement au premier méandre du fleuve Jaune – Hommage à Wang Wanqing, le « menpa des steppes » (I)

2025-04-23 16:28

En 2024, le décès du docteur Wang Wanqing a suscité une vive émotion parmi les habitants de la prairie de Maqu. Bien qu'il ait laissé un testament préconisant une cérémonie funèbre simple, sans ostentation, des foules se sont spontanément réunies pour lui rendre hommage, parmi elles se trouvaient ses proches, collègues, mais surtout les patients qu'il avait soignés, des éleveurs qu'il portait toujours dans son cœur. Le temps n'effacera pas les souvenirs, le peuple n'oubliera pas ce médecin qui a parcouru toute la prairie de Maqu durant sa vie, le respect et la nostalgie que les foules lui vouent sont profonds.

Nous sommes venus au comté de Maqu pour suivre les traces de Wang Wanqing. Pendant 56 ans, opiniâtre, il s'est attaché à cette terre et y a trouvé le sens de sa vie. Il a écrit plus tard qu' « au premier méandre du fleuve Jaune long de neuf cents lis, une prairie immense s'étend vaste entre ciel et terre. »

Dans cet espace infini du premier méandre du fleuve Jaune, Wang Wanqing a gagné de nombreuses distinctions pour ses 56 ans de dévouement : « Membre exemplaire du Parti communiste », « Individu modèle national pour le progrès de l'unité de la nation », « Prix du médecin chinois », « Prix du président de l'Université Fudan », lauréat du programme annuel 2010 « Touching China », etc. Aujourd'hui disparu, on se demande encore : pourquoi Wang Wanqing, venu des rives du fleuve Huangpu de Shanghai a-t-il choisi de passer sa vie sur la prairie de Maqu ? Comment cette personne de l'ethnie Han s'est-il si bien intégré aux populations locales ? Qui est donc ce « menpa des steppes » (« menpa » signifiant « médecin » en tibétain) que les habitants respectaient tant ? Que savons-nous vraiment de sa vie ?

Ou, plus simplement, quel genre de personne est Wang Wanqing ?

(I) Suivons ses pas jusqu'à Maqu

« Maqu » signifie littéralement « fleuve Jaune » en tibétain, le comté de Maqu est le seul en Chine à porter le nom du fleuve. C'est ici que le fleuve Jaune, né dans les monts Bayan Har, forme son premier grand méandre, celui que Wang Wanqing appelait « le premier méandre du fleuve Jaune » dans ses poésies. Au début du nouvel an chinois, le fleuve est encore gelé, et sa glace est recouverte de neige fraîche scintillant sous le soleil.

En 1969, muni d'une lettre d'affectation, Wang Wanqing s'est rendu seul sur la prairie de Maqu, dans la communauté de Walwantsang, qui sera plus tard le canton de Walwantsang, et est aujourd'hui le bourg de Walwantsang. À un embarcadère, il y vit pour la première fois la courbure du premier méandre du fleuve Jaune, en été, alors que l'eau y était claire. À ce moment-là, il ne savait pas encore qu'il consacrerait le reste de sa vie à cette terre et à ses habitants, nouant un amour indéfectible de vie et de mort autour du premier méandre du fleuve Jaune.

Du comté de Maqu jusqu'à Walwantsang, il y a plus de 50 kilomètres, à franchir par une grande montagne de 4 000 mètres d'altitude. Lors de son premier voyage à Walwantsang, il a pris un vieux camion soviétique GAZ sur une piste cahoteuse, sur le plateau déficient en oxygène. Le point positif, c'était la beauté des prairies estivales et la lumière du soleil radieux du milieu de la journée. Un coup de vent lui arracha son chapeau blanc qu'il avait apporté de Shanghai.

Mais l'été est court à Maqu, l'hiver s'éternise. Bien qu'on soit déjà à mi-mois du début du printemps, la neige tombe encore abondamment. Le monde est recouvert de blanc, seuls des yacks, des dogues tibétains, et des bergers à cheval apportent une distraction entre ciel et terre. La route asphaltée avait été réparée depuis longtemps, nous sommes partis du siège du comté tôt le matin et sommes arrivés à Walwantsang dans le vent et la neige.

La ville se réveillait lentement sous la neige qui tombait lentement. Le Centre de santé de Walwantsang (anciennement dispensaire de Walwantsang) n'avait pas encore accueilli ses premiers patients. Trois édifices s'y dressent aujourd'hui, avec aussi deux rangées de bâtiments, divisés en logements et en entrepôts, une ambulance est garée dans la cour. Rien à voir avec le dispensaire d'antan, qui se résumait à deux pièces en terre battue mises sous prêt, où il fallait monter à cheval pour aller faire des consultations, muni de ses « trois indispensables » : un tensiomètre, un thermomètre et un stéthoscope.

En 1968, Wang Wanqing a été diplômé de la Première faculté de médecine de Shanghai (aujourd'hui faculté de médecine de l'Université Fudan). Il avait écrit sur sa fiche d'affectation des volontaires : « Là où la patrie a besoin de moi, j'irai volontiers là où c'est le plus difficile. »

Lorsque Wang Wanqing a été affecté à la préfecture autonome tibétaine de Gannan, dans la province du Gansu, pendant six mois, Maqu était naguère l'endroit le plus difficile et peu de gens s'y rendaient, par considération aucun quota pour s'y rendre n'avait été fixé, Wang Wanqing pensait cependant : pourquoi ne pas se rendre à l'endroit le plus difficile et le plus dangereux. Il rédigea une lettre d'engagement, l'organisation accepta sa demande : il partit enfin seul à Maqu. Il considère les difficultés comme des épreuves nécessaires, se promettant de ne jamais renier son engagement.

Selon Qijun Tsering, actuel directeur du Centre de santé de Walwantsang : « Wang Wanqing était un homme remarquable. » Qijun Tsering, 48 ans, a commencé à travailler dans le canton de Muxihe, du comté de Maqu en 1999 et a été transféré au Centre de santé de Walwantsang en 2020. Il avait entendu depuis longtemps des anecdotes autour du docteur Wang Wanqing. « Dans des conditions aussi difficiles, Wang Wanqing a soigné de nombreux patients et a réalisé de nombreux miracles ! » Il a déclaré que deux de ces « miracles » l'ont profondément marqué : une anastomose intestinale réalisée sans lampe de salle d'opération, uniquement à la lampe torche ; Wang Wanqing a aussi effectué une craniotomie, intervention difficile même dans les conditions techniques actuelles.

Il ajoute : « Wang Wanqing était également très instruit, en avance sur son temps. Les normes de base en matière de santé publique actuellement promulguées et mises en œuvre par le pays comprennent des mesures spécifiques telles que la distribution de matériel d'éducation sanitaire et la vaccination des enfants. Ces exigences n'étaient pas actées dans les années 1980, mais Wang Wanqing avait déjà fait beaucoup de choses de ce genre pour les éleveurs à cette époque. » Afin de renforcer la prévention et le contrôle des maladies, il a déjà emporté un appareil à rayons X et un électrocardiogramme sur son dos, pour aller faire des visites médicales chez les éleveurs et a emporté un microscope pour effectuer des examens fécaux à la recherche de parasites. Il a réalisé une campagne complète de dépistage de la brucellose dans toute la région en partant à cheval pour essaimer Walwantsang, il a mis en œuvre une vaccination planifiée pour les enfants des éleveurs, créé des dossiers médicaux pour plus de 3 000 personnes, et permis à 90 % des habitants du canton d'avoir un suivi médical.

La mallette à médicaments et l'équipement médical utilisés par Wang Wanqing à cette époque sont exposés dans la salle de réunion du Centre de santé de Walwantsang, et Qijun Tsering a présenté chacun de ces objets. Il a indiqué : « En exposant ces équipements et ces objets, nous pouvons comparer les conditions médicales et les niveaux de vie du passé avec ceux d'aujourd'hui, et apprendre et hériter des pratiques, de l'éthique médicale et de l'esprit de l'ancienne génération. »

Aujourd'hui, le Centre de Walwantsang dispose de plusieurs départements : consultations, pharmacie, santé publique, médecine chinoise (tibétaine), vaccination pédiatrique, santé maternelle et infantile, laboratoire… Il est pourvu d'équipements exhaustifs pour faire des échographies, électrocardiogrammes, analyses d'urine, tests biochimiques, analyses sanguines, radiographies digitales… Les consultations se font désormais dans des cabinets, les visites sont assurées par des ambulances, et les cas graves peuvent être transférés à l'hôpital du comté à tout moment. « Les conditions se sont grandement améliorées, mais cela nous donne encore plus de responsabilités. » Qijun Tsering conclut : « L'ensemble du personnel d'ici partage l'esprit de Wang Wanqing, même à haute altitude, malgré la raréfaction de l'oxygène, il faut parfois parcourir une longue distance à travers montagnes et points d'eau pour se rendre à une consultation, mais même dans ces conditions épuisantes, nous ne reculons devant rien pour accomplir notre mission. »

Quand nous avons quitté le Centre de santé, les habitants du village arrivaient déjà les uns après les autres pour consulter, le médecin de garde ce jour-là, Tashi Dongzhi, nous explique que désormais, les médecins se rendent aussi régulièrement au domicile des habitants pour effectuer des examens médicaux, comme le faisait autrefois Wang Wanqing. « Les habitants sont comme notre propre famille, en tant que médecins de terrain, nous devons tout faire pour les aider et les soigner du mieux possible. »

Le Wang Wanqing décrit par Qijun Tsering correspondait parfaitement à l'image que nous avions. Dans les nombreux reportages à son sujet, on le voit toujours ainsi : un médecin de grande taille, avec de grands pieds, portant des lunettes et un chapeau, avançant d'un pas pressé, sa mallette médicale à la main, sur la route de ses consultations.

En 1980, Wang Wanqing devint directeur du Centre de santé de Walwantsang. En 1989, il fut nommé directeur adjoint du Bureau de la prévention épidémiologique du comté de Maqu, puis directeur l'année suivante. Mais en 1991, il démissionna de ce poste pour redevenir un médecin ordinaire à l'Hôpital populaire du comté de Maqu, où il devint ensuite chef du service de chirurgie, avant de prendre sa retraite en 2003.

À l'Hôpital populaire du comté de Maqu, nous avons rencontré le directeur adjoint Qi Wuzhi, 50 ans, qui a commencé à travailler en 1995 et a collaboré plus de sept ans avec Wang Wanqing. Ce qui l'a le plus marqué, dit-il, c'est la bienveillance exceptionnelle de Wang Wanqing envers les patients, il était désintéressé et dévoué, sans jamais rien attendre en retour. Dans les années 1990, les patients n'avaient souvent pas une conscience aiguë de leur santé : des maladies bénignes traînées trop longtemps devenaient graves, par exemple, l'appendicite, dont l'intervention chirurgicale est très simple, mais les conditions médicales et d'autres contraintes font que des patients retardaient encore et encore l'opération, avec parfois une évolution en péritonite ou perforation, causant parfois des chocs septiques. Wang Wanqing, lui, soignait toujours avec attention, expliquait la situation avec patience et a sauvé de nombreux cas.

Qi Wuzhi nous a confié que Wang Wanqing avait une rigueur professionnelle, mais aussi une chaleur humaine.

Il était strict dans le travail. À la tâche, il recherchait la rigueur, professionnel, il était particulièrement dévoué et avait des exigences strictes envers les jeunes médecins. Il attachait une grande importance à la formation des équipes. D'après Qi Wuzhi : « Wang Wanqing accordait une attention particulière à la constitution d'une équipe. À l'époque, nous manquions de talents. Grâce à ses conseils et à son travail de formation, plusieurs jeunes médecins sont devenus des pièces maîtresses de l'hôpital, ce qui a permis de soutenir le développement actuel de l'hôpital. »

Son caractère affable se constatait aussi dans le quotidien. Il était accessible et gentil avec les gens qui l'entourent, et il répondait toujours avec patience aux questionnements des jeunes médecins. Lorsqu'il apprenait qu'un collègue rencontrait des difficultés, il l'aidait du mieux qu'il pouvait, tout en vivant lui-même avec une grande simplicité, sans exigences matérielles.

Qi Wuzhi se souvient aussi de sa première fois au bloc opératoire, c'était aux côtés de Wang Wanqing. À l'époque, il manquait d'expérience, mais Wang Wanqing l'a guidé tout au long de l'opération. « Au début, j'étais dans un certain état de nervosité et de maladresse, sans arriver à me coordonner, mais il m'a donné des instructions répétées et j'ai progressivement surmonté ma nervosité. »

Nous lui avons demandé, un peu curieux, si en dehors du travail, ils bavardaient parfois ensemble ?

Qi Wuzhi se figea un instant, et indiqua qu'ils bavardaient très peu pendant leur temps libre car Wang Wanqing ne parlait jamais pour ne rien dire. Avait-il seulement du temps libre ?

Cela nous a tous fait sourire.

« Wang Wanqing était concentré sur son travail et sur la recherche académique, il communiquait avec nous pour orienter nos activités ou pour partager nos expériences. En dehors du travail, il lisait. » Qi Wuzhi indique que Wang Wanqing aimait apprendre et avait publié plusieurs articles scientifiques, qui ont guidé pendant une longue période le développement médical de l'Hôpital populaire du comté de Maqu.

Wang Wanqing en est allé à lire et traduire l'Encyclopédie médicale en russe, que ses parents et sa sœur lui avaient expédié depuis Shanghai, après de nombreux passages successifs au bureau de poste. Il avait aussi acheté une version chinoise des Quatre Tantras Médicaux, qu'il étudiait sans relâche pour acquérir en autodidacte des connaissances en médecine tibétaine. Durant sa carrière, il publia des dizaines d'articles dans des revues médicales nationales et locales, tels que : « L'importance de l'oxygénothérapie pour la pneumonie néonatale en haute altitude à Maqu », « Une analyse sur dix ans des hospitalisations en chirurgie dans un hôpital d'une région pastorale tibétaine », etc. Pendant son travail au Centre de prévention des épidémies du comté, face à la lourde tâche de vaccination des enfants, il conçut, rédigea et imprima manuellement plus de 20 numéros d'un bulletin intitulé « Bulletin d'information sur le programme de vaccination ».

Dans le bourg de Walwantsang, nous avons également rencontré plusieurs éleveurs. Nam Me, l'un d'entre eux, était l'enfant opéré de l'intestin mentionné plus tôt par le directeur. Il avait à l'époque 10 ans — aujourd'hui, il en a 51, et sa cicatrice abdominale est toujours visible. Nam Me indique que « Wang Wanqing est mon grand bienfaiteur. C'est entièrement grâce à lui que je peux encore en vie aujourd'hui. » Et il poursuit : « Moi, je fais confiance à ce menpa des steppes. Si aujourd'hui je tombe malade et que le menpa dit que c'est guérissable, je prends les médicaments ou je fais les injections qu'il recommande. Mais s'il dit que ce n'est pas guérissable, alors c'est que c'est vraiment sans espoir. Même dans ce cas, je suivrais ses conseils, car je crois en lui totalement. »

Un autre villageois, Dankao, âgé de 60 ans, ajoute simplement que Wang Wanqing était un homme bon. Peu importe l'heure, s'il y avait un patient dans le besoin, il allait le soigner tout de suite. Si le patient ne pouvait pas se déplacer, Wang montait à cheval pour aller jusqu'à lui. Il ne laissait jamais les gens tomber.

Wang Wanqing a véritablement gagné la confiance des habitants de Maqu grâce à ses actions !

(Rédactrice : Estelle ZHAO)