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Les herbes verdissent durablement au premier méandre du fleuve Jaune – Hommage à Wang Wanqing, le « menpa des steppes » (II)

2025-04-24 15:01

En 2024, le décès du docteur Wang Wanqing a suscité une vive émotion parmi les habitants de la prairie de Maqu. Bien qu'il ait laissé un testament préconisant une cérémonie funèbre simple, sans ostentation, des foules se sont spontanément réunies pour lui rendre hommage. Le temps n'effacera pas les souvenirs, le peuple n'oubliera pas ce médecin qui a parcouru toute la prairie de Maqu durant sa vie, le respect et la nostalgie que les foules lui vouent sont profonds. Qui était donc vraiment Wang Wanqing ?

(II) Son fils déclare : « J'en ai vu des vertes et des pas mûres »

Wang Tuansheng indique qu'après toutes ces années passées avec son père, il en a vu de toutes les couleurs.

Wang Tuansheng est le fils aîné des enfants de Wang Wanqing, il a 53 ans cette année, il est membre du groupe du Parti du Comité du comté de Maqu de la Conférence consultative politique du peuple, superviseur médical du Gouvernement populaire du comté de Maqu, et médecin-chef du service d'imagerie médicale de l'Hôpital populaire du comté de Maqu. Il nous a raconté ses souvenirs de son père alors que nous nous trouvions dans la maison où vivait Wang Wanqing auparavant.

Quand il était petit, ses parents étaient toujours trop affairés pour s'occuper de lui et de ses frères et sœurs. À cette époque, on aurait dit que seuls son père et sa mère travaillaient au Centre de santé : son père consultait les patients, et sa mère s'occupait des injections et de la distribution de médicaments. Parfois, le couple Wang mettait leurs enfants à contribution pour les aider à faire le ménage, nettoyer les vitres, ou ramasser des bouses de vache. C'est durant ces tâches que Wang Tuansheng a pu rencontrer beaucoup d'habitants locaux et observer les interactions entre ses parents et les patients.

Plus tard, quand il a grandi, son père l'emmenait en tournée à la campagne pour administrer les vaccins dans chaque équipe de production. À l'époque, la vaccination était une tâche essentielle, mais Walwantsang étant une région purement pastorale, ses habitants étaient nomades et n'avaient pas de lieu de résidence fixe, même en hiver, certains partaient dans les vallées des montagnes avec leurs troupeaux, et ne restaient pas dans les « nids hivernaux » (les refuges pour l'hiver), alors, toute l'année, il fallait parcourir la prairie à cheval pour aller vacciner les gens où ils se trouvaient. En général, c'est l'épouse de Wang Wanqing qui restait à la clinique pendant que celui-ci et son fils partaient en tournée. Comme Wang Tuansheng parlait bien le tibétain, il pouvait faire office d'interprète pour son père et surveiller les lieux au cas où des dogues du Xizang viendraient à les attaquer.

« À l'époque, les habitants pratiquaient le pastoralisme nomade, et nous étions aussi nomades », dit Wang Tuansheng. Comme les familles des habitants étaient dispersées, le père et le fils devaient emporter tente, cuisinière, produits de première nécessité et médicaments courants avant chaque tournée, une telle sortie durait de deux semaines à un mois. Ils se rendaient dans n'importe quel montagnes et vallées, là où il y avait des habitants, ils y allaient pour effectuer des injections et distribuer des médicaments.

En raison des conditions géographiques et de leurs façons de penser, beaucoup de gens n'étaient pas en capacité de se rendre au Centre de santé pour consulter. Durant ses tournées, Wang Wanqing consultait aussi les malades, avec son fils à ses côtés. Tandis que son père lui donnait des instructions, il apprenait en même temps. Peu à peu, il comprit quels médicaments utiliser en cas de fièvre ou de diarrhée, et il apprit à faire des injections intradermiques et intramusculaires. Plus tard, il choisit de faire des études de médecine, estimant que ce domaine lui était bien familier.

Wang Tuansheng raconte que c'était difficile à l'époque, mais étant jeune, il trouvait ça assez intéressant, et qu'avec le recul, il estime avoir fait des choses utiles.

Deux souvenirs de l'époque ont particulièrement marqué Wang Tuansheng.

D'abord, le grand respect que les habitants portaient aux médecins. À l'époque, les conditions du Centre de santé étaient limitées, il n'avait que quelques bâtisses, quand il n'y avait pas assez de place, les malades montaient des tentes dans la cour sans se plaindre. Certains, qui avaient de lourdes pathologies consultaient trop tard, et malgré les efforts du corps médical, ne pourraient pas être sauvés, pourtant, les habitants remerciaient les médecins, manifestant même leur reconnaissance pour tous les efforts consentis. « J'ai senti qu'entre le médecin et le patient, il y avait une vraie chaleur humaine. Le médecin fait de leur mieux pour sauver le patient, le patient lui faisait totalement confiance et suivait ses instructions. Peu importe le résultat du traitement, le patient et sa famille faisait toujours preuve de gratitude. Et c'est étrange, mais à cette époque, j'avais l'impression que mon père pouvait guérir n'importe quelle maladie. »

Ensuite, ce fût l'arrivée d'un appareil à radiographie au Centre de santé. C'était la première fois que Wang Tuansheng voyait un tel appareil, il trouvait étrange et même un peu effrayant ce gros instrument à cause du bruit causé par l'instabilité de la tension électrique de Walwantsang. Son père lui expliqua comment cela fonctionnait, et il trouva cela très instructif.

Plus tard, quand il était étudiant à l'École de médecine de la province du Gansu, il vit qu'un cursus en radiologie était proposé parmi les spécialités proposées. Wang Wanqing lui indiqua que c'était justement l'étude de ce fameux gros instrument, Wang Tuansheng décida sur-le-champ d'étudier cette spécialité !

En 1990, Wang Tuansheng termina ses études et entra à l'Hôpital populaire du comté de Maqu. En 1991, son père le rejoignit et ils devinrent collègues. De 1991 à 1997, le père et le fils ont eu plusieurs prises de becs, ce qui n'a pas été de tout repos.

Dans les années 1990, le personnel médical était rare à l'Hôpital populaire du comté de Maqu, encore moins les diplômés en médecine, parfois, il était difficile de réunir une équipe complète pour des interventions chirurgicales. S'il y avait une opération à cette époque, Wang Wanqing faisait alors appel à son fils en premier, il lui indiqua que les compétences apprises dans le domaine de la radiologie devaient être combinées à la médecine clinique pour atteindre l'objectif de pour mieux connaître le corps humain.

Son père était très exigeant sur les détails chirurgicaux. Il lui instruisit que la médecine est rigoureuse, qu'« une minute sur la table d'opération, c'est dix ans de préparation en dehors. » Sur la table d'opération il n'y a pas de place à des mouvements dans le vide, un simple nœud cassé ou desserré et qui devait être renoué pouvait compromettre l'opération. Au début Wang Tuansheng n'était pas convaincu, il se plaignait qu'il débutait à peine, son père lui répliqua : « Alors entraîne-toi davantage hors de la table d'opération, mais pas sur les patients ! »

Sous la « pression » paternelle, Wang Tuansheng suivait Wang Wanqing partout : opérations, visites, rédaction de dossiers médicaux, il devait cumuler des gardes cliniques en plus de son poste en radiologie. Wang Wanqing le recadrait en personne, que cela soit au niveau des opérations effectuées ou la rédaction des dossiers médicaux, parfois sèchement : « Ton introduction ne veut rien dire ! », « Ce sont des termes médicaux dans ta description ? », « La ponctuation n'est pas correcte ! » C'était ce que pouvait entendre Wang Tuansheng au quotidien. « J'étais celui qui se faisait le plus remonter les bretelles, chaque fois qu'il lisait les cas que je décrivais, il trouvait toujours quelque chose à redire. Je suis son fils, s'il s'était adressé à d'autres de cette façon, ils auraient pu se mettre en colère. », dit-il en souriant. « Après tout, j'en ai vu des vertes et des pas mûres. »

« Mais c'est justement à son contact que j'ai tout appris. »

Au cours des premières années passées auprès de son père, Wang Tuansheng a pratiqué toutes sortes d'opérations, notamment de chirurgie, pathologie interne, pédiatrie, orthopédie, gynécologie-obstétrique, et il s'est essayé autant à la médecine traditionnelle chinoise qu'à la médecine occidentale, ce qui lui a permis de devenir rapidement un médecin aux multiples facettes. En 1997, il partit à Shanghai pour se spécialiser en chirurgie générale, d'après-lui, c'est à ce moment-là qu'il était vraiment entré de plain-pied dans le domaine de la médecine.

Plus tard, Wang Wanqing prit sa retraite. Wang Tuansheng devint directeur de l'Hôpital populaire du comté de Maqu, puis vice-président du Comité du comté de la Conférence consultative politique du peuple chinois. Chaque fois qu'il rendait visite à son père, ce dernier lui répétait inlassablement : « Quelle que soit ta position, n'abandonne jamais ta spécialité ! » Et Wang Tuansheng ne l'a jamais fait : il est resté disponible pour l'hôpital, et répond toujours aux sollicitations de conseils médicaux pour les patients d'autres endroits, en apportant ses solutions avec patience. Fidèle à l'esprit de son père, Wang Tuansheng a également consacré sa jeunesse aux habitants de tous les groupes ethniques de la prairie de Maqu.

En fait, quand il fût diplômé de son école, Wang Wanqing et ses professeurs espéraient que Wang Tuansheng reste à Lanzhou. Son père lui disait que même si c'est une bonne chose de retourner dans sa ville natale pour travailler, Maqu est après tout un petit endroit avec des conditions défavorables, il aurait préféré qu'il reste à Lanzhou pour accomplir ce qu'il n'avait pas pu faire lui-même au niveau médical, que son plus grand regret était qu'il estimait que sa contribution à la médecine des prairies était trop faible. Même les professeurs disaient qu'il aurait un avenir plus brillant en restant à Lanzhou, qu'il y apporterait plus à la médecine, et qu'il pourrait surpasser son père.

Mais Wang Tuansheng refusa d'écouter son père et insista pour retourner à Maqu pour travailler. Il dit à son père : « Tu es venu de Shanghai à Maqu, tu ne connaissais personne, tu ne parlais pas la langue, la nourriture et la vie ne te convenaient pas à la base, il y avait des conditions difficiles mais tu es resté, moi, je suis né ici, qui serait plus apte que moi à retourner travailler dans ma ville natale ? »

« On manque cruellement de radiologues dans ma ville natale, il n'y en a aucun de formé dans les diplômés en médecine du comté de Maqu. Si je n'y vais pas, plus personne n'y ira ! »

Avant son retour, le service de radiologie de l'Hôpital populaire du comté de Maqu avait été fermé pendant un an et demi en raison d'un manque d'expert.

Enfin, Wang Tuansheng nous a fait part d'une petite anecdote.

Dans la vie, Wang Wanqing était toujours simple, frugal et économe. Il ne se souciait ni de bien manger, ni de bien s'habiller. Son fils se souvient qu'il portait toujours un chapeau de soleil, un trench-coat, un pantalon d'équitation et des baskets. Quand ses enfants lui achetaient des vêtements, il refusait et les grondait même.

Wang Wanqing possédait une vieille paire de bottes en cuir avec de la fourrure à l'extérieur, à force de les porter, la fourrure est tombée et elles étaient devenues ternes. Un jour, il les teignit à l'encre noire et les montra à son fils. Ce dernier ne les reconnut pas et demanda : « D'où viennent ces chaussures ? C'est quoi ces horreurs ? » Son père répondit : « Ce sont mes vieilles bottes en cuir, je les ai teintes. On dirait qu'elles sont comme neuves ! »

Voilà quelle personne était Wang Wanqing !

(Rédactrice : Estelle ZHAO)