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L'écho millénaire d'un héritage : la lumière et la chaleur dans une page de papier tibétain de Gyêmdong

2025-04-29 09:05

À Gyêmdong, un village du comté de Nang,ville de Nyingchi, au Xizang, dans un atelier d'artisanat du patrimoine immatériel, des fibres parfumées au daphné odora se déploient peu à peu dans un mortier de pierre, imprégnées de la lumière millénaire et intemporelle du papier tibétain qui ne se détériore pas.

Concernant l'origine du papier tibétain, on trouve dans l'Ancien livre des Tang, au chapitre Tubo cette mention : sous le règne de l'empereur Gaozong de la dynastie Tang, le roi tibétain Songtsen Gampo « demanda des œufs de bombyx du mûrier ainsi que des artisans produisant de l'alcool, des broyeurs, des meules, du papier et de l'encre » pour accompagner la princesse Wencheng, qui allait s'installer dans son royaume. Dès lors, les techniques liées au papier se sont enracinées dans la région et se sont transmises de génération en génération. Un matin, plus de 1 300 ans plus tard, dans un atelier situé dans le canton de Gyêmdong, nous avons rencontré Gyari, une dépositaire du savoir-faire du papier tibétain de Gyêmdong au niveau du patrimoine culturel immatériel, et pu découvrir le rythme des anciennes techniques de cette branche majeure du papier tibétain.

Si le papier tibétain de Gyêmdong jouit d'une réputation de longue date et est célèbre à travers tout le Xizang, il est indissociable de sa portée historique qui n'est pas aussi anodine qu'elle n'en a l'air. Parmi les nombreux types de papier tibétain, le papier de Gyêmdong est considéré comme « le meilleur parmi les meilleurs », il demande une fabrication complexe, coûteuse, mais présente des avantages notables — il est résistant aux insectes, ne se décolore pas, est solide et affiche une blancheur peu prononcée, autrefois, il servait notamment à l'impression des billets tibétains, des écritures sacrées et des documents officiels. Toutefois, pour diverses raisons, la technique de fabrication de papier de Gyêmdong a pris la poussière et failli sombrer dans l'oubli.

Aujourd'hui âgée de 44 ans, Gyari est une héritière représentative de l'art du papier de Gyêmdong, depuis dix ans, elle s'investit corps et âme dans la protection et la transmission de cette tradition. En repensant au chemin parcouru pour son apprentissage, Gyari se souvient de ses doutes initiaux : « J'étais déterminée à apprendre, mais est-ce que j'en serais capable ? C'était vraiment dur. » Pour raviver cet art, elle est allée à la rencontre de personnes âgées qui étaient d'anciens artisans du village ayant déjà travaillé dans l'atelier de papier, chez eux ou dans des maisons de retraite, sollicitant leur savoir dès qu'elle trouvait quelqu'un d'expérimenté.

C'est ainsi qu'elle a croisé la route d'une précieuse mentor : Lhakyi, qui est désormais atteinte de cécité. « Ce que je sais aujourd'hui, je l'ai presque tout appris de cette dame du troisième âge », dit Gyari avec émotion en se remémorant sa quête de connaissance : « Elle ne voyait pas, mais en touchant, elle savait si ma pâte était bien battue ou non. » À chaque fois qu'elle avait terminé de produire une feuille, Gyari allait la montrer à Lhakyi. « Ce n'est qu'en posant inlassablement des questions, qu'en 2012, j'ai enfin réussi à fabriquer ma toute première feuille de papier tibétain de Gyêmdong », raconte-t-elle.

Petit à petit, Gyari a développé son propre savoir-faire : la fabrication est complexe ? Elle se tourne alors vers le sur-mesure ; les ventes sont faibles ? Elle fait un benchmark pour s'approprier ce qui lui manquait. Du papier blanc traditionnel, elle est passée à du papier décoré de fleurs, du papier plissé, puis à des produits comme des carnets, des albums, le papier pour les peintures de thangka, ou encore des papiers customisés pour des occasions et des lanternes, en s'appuyant sur les techniques traditionnelles, Gyari et ses apprentis ont ainsi conçu de nombreux objets à la fois pratiques et esthétiques.

Grâce aux efforts soutenus du gouvernement et des artisans pour promouvoir et pérenniser sa sauvegarde, le papier de Gyêmdong connaît aujourd'hui un renouveau. En 2013, la « technique de fabrication du papier tibétain de Gyêmdong » a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de la région autonome; en 2017, il a été reconnu comme produit touristique typiquement chinois, prisé tant par les Chinois que par les étrangers ; ces dernières années, la chaîne de fabrication du papier de Gyêmdong a été quasiment restaurée dans son intégralité.

« C'est une de nos marques ethniques, je me dois de m'investir », affirme Gyari d'une voix douce mais déterminée. L'atelier a une décoration modeste, mais en son centre trône un rouleau en tibétain portant l'inscription : « Transmettre et faire rayonner la culture traditionnelle ». Le papier tibétain de Gyêmdong est un héritage millénaire. Dans cet atelier situé au bord d'une rivière, un art ancien continue de briller de mille feux à la nouvelle ère.

(Rédactrice : Estelle ZHAO)