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Le parfum du thé au beurre me manque

2020-10-30 15:24

Début avril 1956, l'organisme m'a désigné pour travailler au Tibet. L'idée de travailler et de vivre dans un environnement complètement différent m'a rendu à la fois inquiet et curieux.

À l'époque, il y avait 37 personnes au total qui sont allées au Tibet, et ce pour la première fois. Vu qu'on était jeune, la plupart d'entre nous attendaient avec impatience la vie au Tibet, sauf une incertitude sur l'adaptation du corps au climat du plateau.

Au Tibet, j'ai été désigné pour travailler dans le service comptable dans l'école des cadres du Tibet (Université du Tibet maintenant). Afin de mener à bien le travail, l'école a recruté un grand nombre d'étudiants tibétains et Han, atteignant des fois plus de 2000 personnes.

Pendant les premiers jours au Tibet, je ne me suis pas habitué à la nourriture locale. Je pensais que le goût de la tsampa était trop différent de celui des grands Mantou (pain à la vapeur) du Shangdong et que le thé au beurre était imbuvable. Mais un collègue tibétain venait au travail chaque jour avec un pot de thé beurré et il nous invitait à boire ensemble. Voyant que les autres le buvaient savoureusement, je l'ai pris en petite quantité. Avec le temps, le thé au beurre parfumé a vaincu mon goût et mes lèvres gercées prirent enfin de l'humidité. Inconsciemment, j'ai commencé à aimer le thé au beurre. Depuis, après chaque repas dans la cantine, je préférais retourner dans le dortoir avec une tasse de thé. Encore plus tard, j'ai acheté moi même un tonneau et du beurre pour faire du thé beurré à la maison.

Durant plus de 30 ans de vie au Tibet, j'ai mangé, habité et travaillé avec mes collègues tibétains et la population tibétaine. La tsampa et le thé au beurre nous servaient de lien affectif. Nous nous sommes assis fréquemment en cercle pour manger de la tsampa et prendre du thé au beurre ensemble. Mon visage souvent taché de la tsampa donnait un air drôle et leur faisait rire fort. Ayant bien bu du thé, nos collègues tibétains aimaient faire clapper la langue. Donc, nous les Han les singions. Nos gestes maladroits ont néanmoins animé l'atmosphère. En partageant le bonheur et la souffrance dans la profonde intimidé, nous oublions toujours que nous étions loin de chez nous.

En 1961, ma nouvelle occupation était d'assister le travail dans les villages du comté de Nyemo. Ce qui m'a impressionné le plus à Nyemo, c'est le festival d'Ongkor. Selon les habitants tibétains locaux, le festival n'était pas célébré à grande échelle avant la libération pacifique du Tibet et l'ambiance festive n'était pas vive. Après la réforme démocratique, la fête a pris de l'ampleur et son atmosphère est devenu de plus en plus solennelle à mesure que le statut et la vie du peuple se sont améliorés.

Une année, Dawa m'a invité à fêter l'Ongkor ensemble. Il est un ami tibétain dont j'ai fait la connaissance à Nyemo. En temps ordinaire, il venait me chercher s'il avait des questions et nous avons entretenu une bonne amitié. Ce jour-là, tous les villageois étaient en costume de fête et ils regardaient les compétitions telles que le tir à l'arc à cheval et le ramassage des khatas à cheval. Selon la tradition locale, les participants qui n'ont pas obtenu une place dans le classement se verraient jetés de la tsampa par tout le monde. Il s'agit d'un témoignage de l'échec.

Avant la compétition, Dawa m'a dit avec plein de confiance en lui même, « tu vas voir que j'aurai une bonne place. » Mais finalement, il n'a pas atteint la cible, non plus ramassé une khata. Ainsi, la coutume était qu'on lui jette de la tsampa en signe de « nous moquer de » lui. C'est un homme optimiste. Il a poussé des cris de joie en nous laissant répandre de la tsampa et il a toujours porté un sourire. Malgré les différences entre moi et les Tibétains locaux dans les coutumes, la langue et le mode de vie, nous restions solidaires.

En 1991, j'ai pris ma retraite et je me suis installé à Chengdu (Sichuan). Pendant les premières années après la retraite, je suis retourné au Tibet une fois par an pour voir son développement et ses changements.

Cette année, j'ai 89 ans. Toutes les choses du Tibet me manquent toujours, les compatriotes tibétains, le parfum du thé au beurre...

(Rédactrice : Claire SHENG)