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[Entretien avec un expert] Shen Weirong : Les transformations du Xizang au cours des soixante dernières années suscitent une profonde satisfaction

2025-11-25 14:22

Récemment, le professeur Shen Weirong de l'Université Tsinghua a accordé une interview exclusive à notre rédaction. S'appuyant sur ses travaux de recherche et sur sa propre expérience, il a livré une réflexion approfondie sur les transformations qu'a connues le Xizang au cours des six dernières décennies, exprimant à travers ses propos une réelle joie et une profonde adhésion au développement de cette région. 

Journaliste : Depuis la fondation de la Région autonome du Xizang, il y a soixante ans, des bouleversements considérables se sont produits. Quelle est votre lecture de ces changements ? 

Shen Weirong : Soixante ans, c'est un cycle complet — ce n'est certainement pas une courte période. Pour la grande majorité des habitants vivant aujourd'hui au Xizang, il s'agit d'une période essentielle de leur existence. Ayant grandi dans le nouveau Xizang après la libération pacifique, ils ont vécu des transformations politiques, économiques, sociales, culturelles et personnelles d'une ampleur sans précédent. Comparées à celles de leurs ancêtres, ces évolutions représentent véritablement un changement radical, un tournant historique dans leur vie et dans celle de toute la région. 

Cette transformation n'a jamais été un phénomène isolé ; elle constitue plutôt un vivant reflet du développement historique fulgurant de la nation chinoise. Les différentes ethnies du Xizang ont toujours partagé un même souffle et un même destin avec la grande famille de la nation chinoise. Le parcours de développement de ces soixante années incarne un processus d'échanges, d'interactions et d'intégration profonde entre les peuples, chaque étape illustrant les liens indéfectibles du sang et la solidarité dans la marche commune vers l'avenir. 

Permettez-moi d'évoquer une expérience personnelle pour illustrer ma perception du changement au Xizang. Au début des années 1990, lorsque je poursuivais mes études en Allemagne, je voyais fréquemment dans les médias allemands des reportages sur le Xizang — le plus souvent remplis d'accusations infondées. En découvrant ces articles, j'étais à la fois perplexe et indigné, car ils reposaient sur aucune base réelle ni vérifiable. Ces discours traduisaient en réalité l'anxiété postmoderne des sociétés occidentales face aux effets destructeurs de l'industrialisation et de la modernisation rapides sur la nature et sur les cultures traditionnelles. Le Xizang lointain servait ainsi d'« instrument symbolique » pour exprimer ces angoisses, plutôt que l'objet d'une réelle compréhension de la situation sur place. 

Des décennies ont passé, et le Xizang d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui d'autrefois. Que ce soit à travers des visites sur le terrain ou par les reportages médiatiques, chacun peut constater les changements spectaculaires qui s'y sont produits : un développement socio-économique fulgurant, une amélioration notable du niveau de vie des habitants, un environnement naturel bien préservé. Le Xizang d'aujourd'hui est plus beau et plus fascinant que jamais, et la protection ainsi que la promotion de ses traditions culturelles ont obtenu des résultats remarquables. 

En soixante ans, le rythme de développement du Xizang a été impressionnant, mais ce progrès n'a nullement entraîné le déclin ou la disparition des traditions culturelles locales ; au contraire, il a stimulé l'innovation et le renouveau culturels — ce qui constitue en soi une réalisation exceptionnelle. 

Journaliste : Compte tenu de votre longue attention portée au Xizang et de vos récentes activités de recherche, dans quel domaine les changements vous ont-ils le plus profondément marqué ? 

Shen Weirong : Si je devais dire quel aspect du développement du Xizang m'a le plus impressionné, en tant que chercheur spécialisé dans le bouddhisme tibétain, ce serait sans aucun doute les transformations survenues dans mon propre domaine d'étude. 

Au cours des dernières décennies, sous la puissante vague de la mondialisation, de nombreuses cultures ethniques et religieuses périphériques ont peu à peu disparu, devenant une perte regrettable dans l'histoire de la civilisation humaine. Cependant, l'attitude de la Chine à l'égard de la culture du Xizang a ouvert une voie florissante de développement culturel : le Parti et l'État accordent une grande importance à la protection, à la transmission et au développement des excellentes traditions culturelles de toutes les ethnies du Xizang, permettant ainsi à cette culture de connaître un essor et une prospérité sans précédent au sein du vaste terreau de la civilisation chinoise. 

Prenons l'exemple du bouddhisme tibétain : les moines, les moniales et les fidèles du Xizang jouissent pleinement de la liberté d'activités religieuses. L'État investit continuellement des ressources financières et techniques dans la préservation du patrimoine religieux et culturel, procédant à la restauration systématique, à la numérisation et à la gestion scientifique des temples anciens, des reliques religieuses et des manuscrits historiques. La gestion des affaires religieuses au Xizang a été intégrée dans un cadre juridique complet, tandis que le développement du bouddhisme tibétain dans le contexte chinois progresse en profondeur, consolidant progressivement une nouvelle situation de l'adaptation des religions à la société socialiste. L'ampleur et la portée de ces mesures sont sans précédent dans l'histoire du Xizang. Aujourd'hui, la religion y est plus apaisée, la société plus harmonieuse et les relations entre les ethnies plus fraternelles. 

Les changements réels du Xizang sont visibles pour tous. Les malentendus et les déformations entretenus depuis longtemps par certains milieux occidentaux à propos du Xizang peuvent, aujourd'hui, être définitivement dissipés. 

Journaliste : En parlant de la culture du Xizang et du bouddhisme tibétain, vous avez écrit dans l'un de vos ouvrages que « notre étude sur le Xizang et sur le bouddhisme tibétain est encore loin d'avoir atteint l'idéal que nous souhaiterions ». Pourriez-vous, à la lumière de vos récents travaux de recherche à caractère « constructif », nous expliquer comment nous devrions aborder et comprendre correctement, de manière directe et objective, le bouddhisme tibétain ? 

Shen Weirong : J'en ai tiré une conviction profonde : si l'on ne comprend pas le bouddhisme tibétain, ou si l'on ne sait pas lire les textes bouddhiques en tibétain, il est difficile, voire impossible, de véritablement comprendre le Xizang. 

Je pense que « notre recherche sur le Xizang et sur le bouddhisme tibétain est encore loin d'avoir atteint l'état idéal que nous souhaiterions ». Le bouddhisme tibétain puise ses racines à la fois dans le bouddhisme indien et dans le bouddhisme chinois, tout en présentant des caractéristiques culturelles tibétaines très marquées. Il a intégré de nombreux éléments issus de l'ancienne culture du peuple tibétain et a, par un processus d'innovation propre, développé des traditions religieuses uniques. Lorsqu'on évoque l'histoire du bouddhisme en Chine, on ne saurait ignorer la place essentielle qu'a occupée le bouddhisme tibétain dans son évolution. Nous devons encourager son adaptation à la société socialiste, afin qu'il contribue activement au processus du développement des religions dans le contexte chinois et au renforcement du fort sentiment d'appartenance à la communauté de la nation chinoise. 

Présentation du chercheur : Shen Weirong est actuellement professeur à la Faculté des sciences humaines et à l'Institut des hautes études en sciences humaines et sociales de l'Université Tsinghua. Il est également vice-président de la Société chinoise d'histoire des ethnies, de la Société chinoise d'études sur la littérature des minorités ethniques, de la Société chinoised'études sur l'histoire des Yuan et de la Société chinoise d'études mongoles. Ses domaines de spécialisation portent sur l'histoire du Xizang et la philologie bouddhique sino-tibétaine. 

(Rédactrice : Lucie ZHOU)